L'hypnose et le sommeil, bienfaits et préjugés
- candicelize
- 6 août
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Dernière mise à jour : 2 sept.
Le sommeil, quels que soient les formes et les rythmes qu'il prend, est un moment essentiel de ressourcement pour les humains, ainsi que pour les autres êtres vivants. Mais pour beaucoup de nos contemporains, avoir un sommeil de qualité est devenu un luxe. En agissant sur ce que agit sur nous, la pratique de l'hypnose peut permettre de reprendre peu à peu le chemin des nuits sereines.

Pourquoi dormir ?
Quelle étrange question ! Question qui se pose pourtant avec acuité pour une part grandissante de nos concitoyens.
Le sommeil est considéré par certains comme du temps perdu sur la vie et sur la réalisation de leurs projets. Dormir est perçu comme inutile et les bienfaits du sommeil par eux depuis longtemps oubliés.
D'autres se sont habitué à un manque de sommeil tout à fait involontaire : malgré ou à cause de la volonté qu'ils mettent à s'endormir - ou à se rendormir en cas de réveil inoppiné, il font l'expérience de longues insomnies ou d'un sommeil haché, un sommeil épuisant pourrait-on dire.
On en rencontre d'autres enfin qui n'arrivent à s'extraire du sommeil qu'avec grande difficulté, ce qui affecte leur vie sociale et leur capacité à poursuivre leurs études ou leur activité professionnelle, malgré le désir qu'ils en ont.
Pourtant le bon sommeil est un temps de l'intime essentiel au ressourcement et à l'entretien des capacités cognitives telles que la mémorisation et l'apprentissage - et en ce sens, au développement humain. Pendant le sommeil, nous assimilons ce que nous avons appris pendant la journée, nous reposons notre corps, nous rêvons. L'interruption de l'état vigile, de l'attention tendue vers la compréhension logique, permet à d'autres parties de nous de fonctionner et de faire ce qu'elles ont à faire. Certaines fonctions cérébrales sont ainsi très actives pendant certaines phases de notre sommeil (lire l'article de l'INSERM pour en savoir plus sur le volet scientifique).
Sans parler, (mais si, finalement, parlons-en !) du plaisir parfois inégalable de passer une nuit reposante, de s'abandonner aux bras de Morphée, fils du sommeil (Hypnos) et de la nuit (Nyx) dans la mythologie grecque.
Que de bonnes raisons de rechercher un sommeil de qualité !
Oui mais comment faire lorsque, en l'absence de causes externes manifestes et quel que soit le contexte, l'état optimal de sommeil que l'on a pourtant connus dans le passé reste réfractaire à notre volonté comme le formule le philosophe Romain Graziani dans son livre-référence l'Usage du Vide ?
Perturbateurs de sommeil, l'expérience de Jeanne
Jeanne se réveille toute étonnée. Cela fait des années qu'elle n'avait pas passé une nuit entière à dormir, une vraie nuit, de celles dont on s'éveille avec le sentiment d'avoir dormi tout son saoûl ; de celles dont on s'étire avec la sensation que la journée va être belle car on a rechargé les batteries.
Jeanne découvre alors que, entre les bruits du boulevard urbain sur lequel donne sa chambre, les soucis professionnels et relationnels qui tournent dans sa tête et retardent son endormissement et les cauchemars dont elle se réveille en nage à 3h42 (toujours 3h42 bizarrement), cela doit bien faire une décennie qu'elle n'a pas goûté à une nuit de qualité ou même fait un rêve agréable.
Pourtant ce n'est pas l'envie qui manque et Jeanne a logiquement mis en place un ensemble de choses et adapté son environnement pour tenter de retrouver cet état de sommeil : bouchons d'oreille de qualité, un peu de respiration, début d'isolation phonique de l'appartement, investissement dans un matelas à mémoire de forme et même un petit verre du soir, les semaines où la fatigue s'accumule et qu'il devient urgent de dormir. Mais voilà, les pensées tournent et retournent inlassablement, comme Jeanne dans son lit à mémoire de forme. Les bruits continuent de surgir dans la chambre et le sommeil de la fuir avec entêtement, provoquant l'énervement.
Et les journées de devenir toujours plus compliquées. Jeanne voit bien qu'elle a de plus en plus de difficultés à se concentrer pendant la journée, il lui arrive même de somnoler pendant des rendez-vous importants, incapable de maintenir bien longtemps son attention sur une tâche.
Alors cette première nuit de repos dans son appartement depuis une éternité et la journée pleine qui s'ensuit lui donnent l'envie de recommencer à bien dormir, la nuit suivante et toutes les autres nuits, de retrouver le sommeil quelle que soit la méthode ou le temps que cela prendra.
Sur la piste de l'hypnose
Jeanne se souvient que son neveu a fait quelques séances d'hypnose pour traiter de cauchemars récurrents qui le réveillaient et mettaient à rude épreuve son sommeil (et celui de ses jeunes parents). Elle obtient ainsi le contact de la praticienne.
Elle nourrit cependant une appréhension répandue à l'idée de faire des séances d'hypnose "comme dans les films" où les personnes semblent tomber dans un profond sommeil lorsque l'hypnotiseur le dit, puis ne répondent plus de rien. L'hypnose doit donc pouvoir faire quelque chose pour ses problématiques de sommeil d'une façon ou d'une autre, mais par ailleurs l'idée de s'endormir en présence de quelqu'un d'autres et de ne plus contrôler lui est vraiment insupportable.
Elle appelle plusieurs hynothérapeutes pour se renseigner sur la pratique.
Accompagner Jeanne
Ce personnage fictif de Jeanne présente des craintes et des empêchements que l'on retrouve fréquemment chez les personnes présentant des troubles du sommeil de façon passagère ou chronique :
une recherche entêtée du sommeil qui éloigne in fine la possibilité même du sommeil (j'avais fait le lapsus d'écrire soleil).
un déploiement de solutions et une ritualisation qui focalisent encore plus l'attention sur la "problématique sommeil".
Une hyper-vigilence portant sur l'arrivée du sommeil, et le lâcher-prise qu'il sous-entend.
L'accompagnement en hypnose va justement consister à aider Jeanne à atteindre le lâcher prise de façon volontaire ou, dit autrement, à développer volontairement les chemins vers un état de non-vigilence propice à l'endormissement.
Mais avant de parvenir jusque là, Jeanne pourrait avoir besoin d'éléments de réponse sur les différences et similitudes qu'il y a entre l'hypnose, le sommeil et l'état d'éveil réflexif que tout un chacun expérimente le plus fréquemment.
En premier lieu, nous pourrons préciser la différence qu'il y a entre l'état d'hypnose, et l'état de veille qui nous est le plus familier.
L'hypno-thérapeute François Roustang emploie comme un équivalent à l'état d'hypnose le terme de veille généralisée, un état en quelques sortes plus large que notre état de veille restreinte habituelle, celui où nous dirigeons volontairement notre attention pour nous adonner à l'analyse, à la compréhension séquentielle des choses.
La veille généralisée qu'est l'hypnose permet quant à elle de faire diversion, de lever l'hyper-vigilence, d'accéder à un nombre beaucoup plus important d'informations, que l'on écoute d'ailleurs davantage, que l'on accueil pourrait-on dire, mais de façon flottante, non préconçue, sans rien chercher. Pour parvenir à la veille généralisée, il y a une mise en conditions qui se fait en séance et qui est comparable à ce que l'on fait la nuit lorsque l'on éteint le plafonnier principal pour mieux voir la myriade d'étoiles qui permettent de nous orienter.
Ensuite, nous pourrons préciser la différence qu'il y a entre l'état d'hypnose et l'état de sommeil cette fois (si tant est que l'état de sommeil soit un terme qui ait du sens compte tenu de la diversité des phases de sommeil et de leur caractéristiques).
La confusion entre hypnose et sommeil est ancrée dans l'histoire même de l'hypnose et dans l'étymologie du terme proposé au début du 19e siècle et dérivé du grec húpnos qui signifie sommeil. Admettez qu'il y a de quoi se fourvoyer !
En attendant une prochaine évolution terminologique permettant de dissiper les confusions autour de cette pratique, on ne le répetera donc jamais assez : la personne activée grâce à l'hypnose n'est pas endormie. Elle accède seulement, grâce à son travail d'attention portée sur ce que dit la praticienne, à un état extrêmement éveillé et attentif à ce qui va lui permettre de débloquer sa situation.
Ce que l'hypnose a de commun avec le sommeil, notamment en phase paradoxale, c'est la porte ouverte sur la rêverie créative, sur un lieu d'expression de choses existantes mais qui restent non-conscientes et que le détournement de la vigilance restreinte va permettre de découvrir, de comprendre dans un autre champ que celui de la logique . L'hypnose est ainsi comparable à une sorte de rêverie éveillée comme celle que nous expérimentons dans les moments où nous sommes "dans les nuages" et où l'esprit a suffisamment d'espace pour inventer. Nous ne dormons pas, mais nous ne sommes pas non plus activement présents à ce qui se dit. En séance, nous effectuons donc volontairement cet exercice de rêverie éveillée différente du sommeil et qui comporte pourtant des vertus ressourçantes similaires.
Puis, l'expérimentation valant bien des explications, nous ferrons en séance l'expérience active de la transe hypnotique, à travers un court exercice structuré visant la remise en mouvement d'un mécanisme sommeil enrayé.
Jeanne apprendra alors à se connecter à cet état de déconnexion, et, ce qui est tout aussi important, à retrouver un chemin autonome vers cet état hypnotique une fois seule, dans sa vie de tous les jours et au moment où elle le souhaite. Au moment du coucher par exemple. Mais aussi à tout autre moment où elle aura la disponibilité pour travailler et développer dans le temps sa capacité à naviguer entre des états attentionnels, des états d'être ou de conscience différents que sont la veille restreinte, la veille généralisée ou... le sommeil tant recherché.
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Pour aller plus loin
Comment dorment les animaux, article du National Géographic


